Formation Hypnose Medicale
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La formation en hypnose médicale et EMDR centrée sur la douleur chronique et la douleur aiguë à Paris
Mis à jour : il y a 33 min 36 sec
Douleur Chronique, un message adressé. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.
Toute douleur qui s’exprime a besoin d’être accueillie, considérée, reconnue. A fortiori si celle-ci est chronique et racontée lors d’un accompagnement en hypnose. Ecouter et favoriser le message de la « personne douloureuse » contribuent à donner du sens au chemin thérapeutique partagé.
La douleur d’une personne est « un fait anthropologique et non pas seulement un accident biomédical » (1). C’est l’expérience subjective d’un homme vivant parmi les autres hommes. Cette expérience, liée à sa culture, à son histoire, aux circonstances et aux enjeux, altère la personne ; laquelle se trouve alors changée et dégradée. « (...) j’étais changé » (2), écrivait André Gide. La douleur s’impose sans pouvoir être repoussée, refoulée. « L’émergence de la douleur est une me- nace redoutable pour le sentiment d’identité » (3). Lorsque cette expérience devient intense, la douleur « retire (l’homme) du monde », selon les termes de Hannah Arendt (4) ; jusqu’à parfois laisser percevoir l’ombre portée de la mort.
Comme pour Georges Canguilhem, « il nous paraît tout à fait important qu’un médecin proclame que l’homme fait sa douleur comme il fait une maladie ou un deuil – bien plutôt qu’il ne la reçoit, ou ne la subit » (5). Méfions-nous de tenter d’objectiver la douleur avec pour projet de la mesurer, de la discerner pour tenter de la maîtriser : illusion scientifique réductrice et déshumanisante. Nous ne rencontrons jamais une douleur mais toujours une personne douloureuse. Ne confondons pas un symptôme avec l’expérience singulière d’une personne riche de son histoire et de sa culture.
« Expérience intime et incommunicable » (6), la douleur est pour autant indéniable même lorsqu’elle est dite chronique, vécue depuis plus de six mois, et inexplicable objective- ment. Cette douleur dite chronique, ou plus exactement cette personne douloureuse de- puis plus de six mois, changée et dégradée, se plaint à une autre personne, c’est une adresse à autrui, un message adressé... Comment accueillir ce message ? Comment en rechercher le sens ?
COMMENT ACCUEILLIR CE MESSAGE ?
Nous devons accueillir ce message adressé, ce que la personne douloureuse raconte de son histoire et de son vécu : ce qu’elle dit et ce qu’elle montre. Cette narration est primordiale, première, signifiante et médiatrice.
Primordiale car elle est constitutive de la nature humaine. Sans cette possibilité de raconter et de se raconter, l’homme serait pauvre en relation alors qu’il est constitutionnellement un être de relation. Nous rencontrons toujours une autre personne « au travers » d’innombrables interactions subjectives réciproques, singulières pour chacun ; rencontre imprévisible et modelée par les enjeux et les circonstances.
Première car toute personne, sujet agissant et souffrant, ne raconte pas seulement ce qu’elle expérimente – quoi ? – et la raison pour laquelle elle le raconte – pourquoi ? –, elle se raconte elle-même, elle fait part de son identité par la narration ; c’est l’identité narrative décrite par Paul Ricoeur (7). C’est-à-dire que la personne se désigne elle-même non pas seulement par qui suis-je ? mais aussi par que suis-je ? C’est pourquoi il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais aussi et sur- tout d’accueillir cette narration au sens d’être présent, disponible, attentif et intéressé.
Signifiante car, radicalement subjective par nature, vive, vivante, la narration fait advenir un sens ; certes non sans parfois des difficultés et des incertitudes quant à la mise en œuvre de cette narration. Celle-ci permet de transformer les forces de la vie intime en leur donnant une sorte de réalité, une certaine apparence, un sens. La narration permet d’éclairer « ce symptôme (douleur) par le discours de ce patient et ne plus lire à travers la grille scientifique qui réduit chaque corps à un corps anonyme » (8). Toute maladie et toute douleur représentent aussi un phénomène socioculturel signifiant qui pourra se dévoiler au travers de la narration.
Médiatrice car la narration trouve ici un rôle majeur pour permettre à la personne douloureuse de cheminer en éclairant une autre personne qui lui offre une disponibilité d’accueil et l’écoute : une médiation interhumaine bénéfique et féconde ; une algologie narrative. En s’appuyant sur son imagination, ses représentations, sa culture et ses expériences douloureuses antérieures, la personne tente toujours de dire quelque chose de ce qu’elle éprouve. Encouragée et soutenue, la narration devient médiatrice en ouvrant la possibilité à l’informe de progressivement prendre une forme singulière ; en cela elle porte un potentiel de liberté (9).
EN PRATIQUE
• S’arrêter : arrêter toute activité en cours pour accueillir celui qui vient à nous.
• Ecouter : ne pas l’interroger mais se taire pour lui permettre de déployer sa narration. Ne pas rassurer, ni interpréter, ni conseiller : écouter !
• S’intéresser à ce que la personne raconte en manifestant notre intérêt.
• Repérer prudemment dans cette narration ce qui pourrait éclairer le sens de ce message adressé.
COMMENT EN RECHERCHER LE SENS ?
Pour permettre que la rencontre de la personne douloureuse chronique soit bénéfique et apaisante, nous devons lui permettre de rechercher le sens du message indicible qu’elle adresse à autrui sous la forme de douleurs chroniques.
Pour lire la suite...
NOTES
1. Simonnet G., Laurent B., Le Breton D., « L’Homme douloureux », Odile Jacob, 2018, p. 9.
2. Gide A., « L’immoraliste », Mercure de France, « Folio », 1902, p. 60.
3. Le Breton D., « Anthropologie de la douleur », Métailié, 1995, p. 25.
4. Arendt H., « Condition de l’homme moderne », Calmann-Levy, « Pocket », 1983, p. 91.
5. Canguilhem G., « Le normal et le pathologique », op. cit., p. 56.
6. Illich I., « Némésis médicale. L’expropriation de la santé », Fayard, 2003, p. 238.
7. Ricoeur P., « Approches de la personne », Revue « Esprit », mars-avril 1990, pp. 115-130.
8. Raimbault G., « Clinique du réel, la psychanalyse et les frontières du médical », Seuil, 1982, p. 27.
9. Reynier G., « Le hors-temps de la douleur chronique », Revue « Topique », 2010, n° 112, p. 99-117.
10. Husserl E., « Sur l’intersubjectivité », op. cit., tome II, p. 323.
11. Màrai S., « La sœur », Albin Michel, 2011, p. 221.
Pr Gérard OSTERMANN Professeur de thérapeutique, médecine interne, psychothérapeute. Administrateur de la Société française d’alcoologie, responsable du diplôme d’université de Pathologie de l’oralité, Bordeaux 2.
Dr Charles JOUSSELLIN Médecin et philosophe, chef de service de soins palliatifs, CHU Bichat - Paris (France),
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv. 2025
Les interactions pour favoriser un changement.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
. Introduction Espace Douleur Douceur.
. Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
. Livres en bouche
. Résumé
Comme pour Georges Canguilhem, « il nous paraît tout à fait important qu’un médecin proclame que l’homme fait sa douleur comme il fait une maladie ou un deuil – bien plutôt qu’il ne la reçoit, ou ne la subit » (5). Méfions-nous de tenter d’objectiver la douleur avec pour projet de la mesurer, de la discerner pour tenter de la maîtriser : illusion scientifique réductrice et déshumanisante. Nous ne rencontrons jamais une douleur mais toujours une personne douloureuse. Ne confondons pas un symptôme avec l’expérience singulière d’une personne riche de son histoire et de sa culture.
« Expérience intime et incommunicable » (6), la douleur est pour autant indéniable même lorsqu’elle est dite chronique, vécue depuis plus de six mois, et inexplicable objective- ment. Cette douleur dite chronique, ou plus exactement cette personne douloureuse de- puis plus de six mois, changée et dégradée, se plaint à une autre personne, c’est une adresse à autrui, un message adressé... Comment accueillir ce message ? Comment en rechercher le sens ?
COMMENT ACCUEILLIR CE MESSAGE ?
Nous devons accueillir ce message adressé, ce que la personne douloureuse raconte de son histoire et de son vécu : ce qu’elle dit et ce qu’elle montre. Cette narration est primordiale, première, signifiante et médiatrice.
Primordiale car elle est constitutive de la nature humaine. Sans cette possibilité de raconter et de se raconter, l’homme serait pauvre en relation alors qu’il est constitutionnellement un être de relation. Nous rencontrons toujours une autre personne « au travers » d’innombrables interactions subjectives réciproques, singulières pour chacun ; rencontre imprévisible et modelée par les enjeux et les circonstances.
Première car toute personne, sujet agissant et souffrant, ne raconte pas seulement ce qu’elle expérimente – quoi ? – et la raison pour laquelle elle le raconte – pourquoi ? –, elle se raconte elle-même, elle fait part de son identité par la narration ; c’est l’identité narrative décrite par Paul Ricoeur (7). C’est-à-dire que la personne se désigne elle-même non pas seulement par qui suis-je ? mais aussi par que suis-je ? C’est pourquoi il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais aussi et sur- tout d’accueillir cette narration au sens d’être présent, disponible, attentif et intéressé.
Signifiante car, radicalement subjective par nature, vive, vivante, la narration fait advenir un sens ; certes non sans parfois des difficultés et des incertitudes quant à la mise en œuvre de cette narration. Celle-ci permet de transformer les forces de la vie intime en leur donnant une sorte de réalité, une certaine apparence, un sens. La narration permet d’éclairer « ce symptôme (douleur) par le discours de ce patient et ne plus lire à travers la grille scientifique qui réduit chaque corps à un corps anonyme » (8). Toute maladie et toute douleur représentent aussi un phénomène socioculturel signifiant qui pourra se dévoiler au travers de la narration.
Médiatrice car la narration trouve ici un rôle majeur pour permettre à la personne douloureuse de cheminer en éclairant une autre personne qui lui offre une disponibilité d’accueil et l’écoute : une médiation interhumaine bénéfique et féconde ; une algologie narrative. En s’appuyant sur son imagination, ses représentations, sa culture et ses expériences douloureuses antérieures, la personne tente toujours de dire quelque chose de ce qu’elle éprouve. Encouragée et soutenue, la narration devient médiatrice en ouvrant la possibilité à l’informe de progressivement prendre une forme singulière ; en cela elle porte un potentiel de liberté (9).
EN PRATIQUE
• S’arrêter : arrêter toute activité en cours pour accueillir celui qui vient à nous.
• Ecouter : ne pas l’interroger mais se taire pour lui permettre de déployer sa narration. Ne pas rassurer, ni interpréter, ni conseiller : écouter !
• S’intéresser à ce que la personne raconte en manifestant notre intérêt.
• Repérer prudemment dans cette narration ce qui pourrait éclairer le sens de ce message adressé.
COMMENT EN RECHERCHER LE SENS ?
Pour permettre que la rencontre de la personne douloureuse chronique soit bénéfique et apaisante, nous devons lui permettre de rechercher le sens du message indicible qu’elle adresse à autrui sous la forme de douleurs chroniques.
Pour lire la suite...
NOTES
1. Simonnet G., Laurent B., Le Breton D., « L’Homme douloureux », Odile Jacob, 2018, p. 9.
2. Gide A., « L’immoraliste », Mercure de France, « Folio », 1902, p. 60.
3. Le Breton D., « Anthropologie de la douleur », Métailié, 1995, p. 25.
4. Arendt H., « Condition de l’homme moderne », Calmann-Levy, « Pocket », 1983, p. 91.
5. Canguilhem G., « Le normal et le pathologique », op. cit., p. 56.
6. Illich I., « Némésis médicale. L’expropriation de la santé », Fayard, 2003, p. 238.
7. Ricoeur P., « Approches de la personne », Revue « Esprit », mars-avril 1990, pp. 115-130.
8. Raimbault G., « Clinique du réel, la psychanalyse et les frontières du médical », Seuil, 1982, p. 27.
9. Reynier G., « Le hors-temps de la douleur chronique », Revue « Topique », 2010, n° 112, p. 99-117.
10. Husserl E., « Sur l’intersubjectivité », op. cit., tome II, p. 323.
11. Màrai S., « La sœur », Albin Michel, 2011, p. 221.
Pr Gérard OSTERMANN Professeur de thérapeutique, médecine interne, psychothérapeute. Administrateur de la Société française d’alcoologie, responsable du diplôme d’université de Pathologie de l’oralité, Bordeaux 2.
Dr Charles JOUSSELLIN Médecin et philosophe, chef de service de soins palliatifs, CHU Bichat - Paris (France),
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Les interactions pour favoriser un changement.
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :
Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.
. Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.
. Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.
. L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.
. David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.
. Introduction Espace Douleur Douceur.
. Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.
. Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.
. Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.
. A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.
. Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.
Les rubriques :
. Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
. Adrian Chaboche : La présence
. Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
. Psychotrauma, PTR, EMDR
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
. Livres en bouche
. Résumé
Catégories: Hypnose Ericksonienne Thérapie Brève
Souffrance au travail et Hypnose. Dr Michel RUEL.
AIDE À UNE PRISE EN CHARGE DE L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL. Pression du travail, pression que l’on se met au travail, jusqu’au mal-être, au sentiment d’échec, jusqu’à l’effondrement, jusqu’au burn out. L’hypnose peut être un outil pour travailler sur la souffrance au travail, devenue phénomène de masse, en privilégiant l’écoute, la vigilance et l’urgence le plus souvent de prescrire un arrêt de travail.
Notre commission a travaillé sur la souffrance au travail et ce qu’on pouvait proposer en hypnose à nos patients. Au-delà des nombreuses situations particulières, il est fondamental de repérer un phénomène qui s’amplifie. Il s’agit d’une souffrance de masse, liée au développement des techniques de management apparues dans les années 1980, techniques dont les effets pervers ont été tôt dénoncés et dont même leurs auteurs ont proposé des alternatives, mais qui imprègnent maintenant la conscience et les pratiques des managers formés uniquement à ces pratiques sans connaître la réalité du travail.
Pour prendre en charge nos patients, il faut comprendre les mécanismes intimes de cette souffrance. Le premier phénomène est l’emprise sur le psychisme et l’imaginaire des employés, à travers l’adhésion à une logique d’organisation et l’intégration d’une culture d’entreprise, système de valeurs et d’objectifs, et spécialement celui d’excellence. La quête inlassable de l’excellence rencontre le désir de l’individu de se dépasser, se réaliser dans sa carrière professionnelle, gagner des récompenses narcissiques et financières dans une société où la réussite financière est devenue le critère de réussite de la vie et où l’individualisme a pris le pas sur les anciennes solidarités et identités de classe. Dans le cadre de cette emprise, les affects vont être vécus sans prise de recul, l’anxiété sera moins celle d’une sanction que celle d’une insuffisance personnelle vécue avec culpabilité et un doute sur ses compétences, sentiment douloureux de l’échec personnel (même si les sanctions directes demeurent toujours importantes dans certains secteurs : centres téléphoniques, par exemple). D’autres éléments de souffrance sont la solitude de l’individu et la perte de sens de son travail. Le management s’emploie à mettre les salariés en concurrence en assignant des objectifs individualisés et irréalisables.
L’« évaluation individuelle des performances » se fait à l’aide d’instruments informatiques, d’indicateurs chiffrés qui évaluent des quantités sans référence à la qualité ni aux difficultés du travail. Surtout, la notion de travail d’équipe disparaît, chaque employé est mis en concurrence avec les autres. La rivalité remplace la solidarité et laisse l’employé seul face à des objectifs irréalisables, des indicateurs dont il ne comprend pas toujours le sens. Ce processus l’amène à douter de sa compétence. Il est même amené à douter de son identité, lorsque les contraintes organisationnelles ne lui permettent plus un travail de qualité, un travail bien fait qui soit reconnu par l’employeur et par ce qu’étaient autrefois les équipes, les collectifs de travail. Travailler doit avoir un sens, aimer le beau travail bien fait est une aspiration universelle.
L’abandon de la référence au travail bien fait – qui nécessite du temps – a conduit à créer la norme de la « qualité totale », mesurée par des indicateurs quantitatifs sans rapport avec la qualité réelle du produit entier. Ainsi Maxime Bellego relève-t-il : « Si la mesure du travail est trop éloignée du travail réel, il y a rupture idéologique et groupale entre celui qui mesure et celui qui fait, mais en plus la mesure vient empêcher le travail de s’effectuer correctement puisque c’est l’activité qui va s’adapter à la mesure et non l’inverse » (3). La perte de sens est maximale quand s’ajoutent les tricheries : falsifications comptables ou statistiques, mensonges sur la qualité, fraudes, aboutissant à une trahison de l’éthique professionnelle, une trahison de soi (2), source de malaise, de dépression. Les managers eux-mêmes peuvent souffrir de cette organisation, par exemple si on leur demande de choisir les employés à licencier pour répondre aux attentes des actionnaires. Sur le site Souffrance et travail (4), la psychologue Marie Pezé propose un test de « propagation du burn out » : clinique de la progression de la souffrance professionnelle jusqu’au suicide ou à des états dépressifs graves.
Ce test est très utile pour prendre la mesure de l’épuisement professionnel : éviter sa sous-estimation chez le patient, et nous faire mesurer la nécessité ou l’urgence d’un arrêt de travail si le risque est grand d’un dommage irréversible. Notre posture de « non-savoir » nécessaire à la pratique de l’hypnose, avec son accueil inconditionnel de ce qu’apporte le patient, se confronte ici à une obligation morale de secours à personne en danger, et donc savoir reconnaître le danger d’une exposition professionnelle dont le patient est incapable de se libérer seul. Aux premiers stades de cette souffrance, le patient est en état de consulter et de travailler avec l’hypnose (le texte résumé en italique est de Marie Pezé).
1. « Au début c’est la surchauffe. Les contraintes, le manque de moyens, de temps sont à la source d’inquiétude quant au travail qui n’est pas terminé et s’accumule alors que l’encadrement signifie : “vous devriez mieux vous organiser”. Vous avez l’impression de ne pas être à la hauteur de ce qu’on attend de vous. Vous vous dites que c’est vous qui n’en faites pas assez, ou pas assez bien. Vous commencez à vous sentir coupable de ne pas y arriver. Vous travaillez chez vous le soir, les week-ends. Mais même avec tous ces efforts, vous n’arrivez plus à vous mettre à jour. »
2. « Après six mois de stress. Votre capacité d’attention et de concentration est saturée, vous n’imprimez plus tout ce que vous devez retenir. Il vous faut plus de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux. Vous avez la vue qui se trouble. Vous commencez à avoir mal de-ci de-là, puis bientôt vous avez mal partout. Tout commence à vous agacer, le manager qui vous demande de faire des choses en plus, vos collègues qui ne vont pas assez vite et qui bloquent votre travail. Vous avez du mal à trouver le sommeil. »
3. « L’engrenage. C’est l’étape décisive qui fait passer le salarié au fonctionnement compulsif dont il faudra bien que quelqu’un de son entourage l’extraie : vous vous réveillez en pleine nuit et vous êtes assailli par tout ce que vous n’avez pas fait, tout ce que vous avez encore à faire. Vous ruminez et vous n’arrivez plus à vous rendormir. Vous n’arrivez pas à lutter contre le TTU (“Très Très Urgent”), le toujours tout de suite, l’ASAP (“As Soon As Possible”). Vous travaillez de manière compulsive. Vous êtes captif du numérique, vous regardez tout en ligne. Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour… Vous êtes pris dans un engrenage : vous êtes fatigué, donc moins performant. Vous faites des erreurs, vous vous trompez de mots. » Au fur et à mesure de la progression vers les six stades suivants, de la désocialisation jusqu’à l’effondrement (à lire sur le site) (4), l’arrêt de travail devient une nécessité de plus en plus urgente.
COMMENT UTILISER L’HYPNOSE ? VOICI QUELQUES EXEMPLES...
1. Le sujet se sent coupable de ne pas y arriver. Proposer un recadrage pour diminuer la culpabilité, par exemple : « Est-ce vraiment vous qui êtes devenu insuffisant ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt la restriction de personnel, le changement de méthodes managériales ? Est-il vraiment impossible de vous accorder le droit de respecter certaines limites (limiter vos horaires, faire des pauses) ? » Permettre au sujet de retrouver une image favorable de lui. Pour cela, faire revivre en hypnose un succès passé pour récupérer une image favorable de soi. Faire ressortir l’importance de « la pression » dans les comportements de maltraitance, celle de l’encadrement et celle que les employés s’infligent : ils pensent que ce rythme de travail est indispensable pour le travail de leurs collègues ou pour la survie de leur entreprise, ils ont intégré la lutte pour atteindre les objectifs fixés comme une nécessaire fidélité à leur engagement ou comme inévitable pour ne pas être licenciés. « Cette pression interne, comment parlet- elle avec vous, avec quelle voix ? » Quel est le moteur de cette fuite en avant ? D’autres se sentent impuissants à arrêter ce flot de tâches qui s’accumule et grossit de jour en jour.
Reformuler : « Là, maintenant vous vous sentez actuellement impuissant » (quoi faire seul sans soutien ? les anciennes solidarités ont été brisées). Pour faire faire un « pas de côté » au patient, nous l’invitons à prendre du recul, à se mettre en retrait. Qu’il devienne un tiers observateur de lui-même et de la situation afin de pouvoir changer de point de vue. Lâcher prise et faire un pas de côté lui permettront peut-être de se détacher, de se décoller de cette emprise combinée de l’entreprise et de sa propre exigence idéale de réussite dans sa course folle à l’impossible. 2. Le sujet manque de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux : il a du mal à trouver le sommeil, il est plus irritable, impatient. Recadrer : l’irritabilité, l’impatience résultent de cette fatigue, ce stress de six mois qui a épuisé les batteries. L’écoute du patient nous amène à définir avec lui le but à atteindre avec l’hypnose. Puis on pourra faire venir sur la chaise devant le patient son chef N+1, sur une autre le PDG de la boîte, un collègue, le conjoint ou l’enfant du/de la patient(e), afin de décentrer le patient, le faire sortir de son regard autocentré culpabilisateur. Ailleurs, on peut emmener en transe le patient sur son lieu de travail et lui faire vivre une confrontation, avec ses collègues et son N+1, en l’accompagnant, en le questionnant sur ce qu’il ressent, ce qu’il va faire, avec le retrait possible et répété sur un lieu sûr, comme on fait des confrontations à un objet phobogène. De nombreuses interventions sont possibles, certaines minimalistes (« ne rien faire » de Gaston Brosseau, ou « les mains de Rossi » où on se contente de notre présence dense pour accompagner le patient dans sa quête d’un pas de côté), d’autres qui utilisent l’externalisation, comme en Thérapie du lien et des mondes relationnels.
L’important est d’être à l’écoute du ressenti du patient et de son propre ressenti de thérapeute et de bien appréhender combien il est difficile de se sortir de ces situations en sachant que souvent la seule solution est l’arrêt de travail. « Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour, vous faites des erreurs... » Comment intervenir ? Proposer un arrêt de travail et travailler de façon rapprochée pour réparer les dégâts et permettre le repos... Si la souffrance a davantage usé le patient, le danger de dépression et de suicide est grand et l’arrêt de travail prolongé est la condition de la survie, l’hypnose accompagnera cette mesure indispensable. Marie Pezé décrit les stades suivants qui amènent au burn out : celui de la désocialisation, celui des signaux somatiques forts, celui de l’isolement, du recours aux expédients (drogues, médicaments), puis de la désillusion qui précède l’effondrement. Il est important d’identifier ces signes (5). Que faire quand la situation est grave ? Travailler sur des objectifs minimalistes : dormir, retrouver un intérêt pour quelques sensations agréables... La transe hypnotique permet de chercher ces sensations, en revivant de beaux moments structurants de sa vie (le jour où elle accouche, le diplôme qu’il obtient, etc.). On pourra aussi aider à se protéger dans une bulle virtuelle qui soit flexible, ou bien externaliser l’irritation, la colère, la honte.
UNE ILLUSTRATION CLINIQUE AVEC LES MAINS DE ROSSI
Mon patient, qu’on appellera « M. Emmanuel », est un cadre important d’une entreprise, je l’ai vu plusieurs fois. Lors d’une précédente consultation, je lui ai conseillé de réaliser le test de Marie Pezé. Fatigué, captif du numérique, culpabilisé de ne pas être à jour (sa fatigue réduisait son efficacité intellectuelle mais il continuait à s’acharner à poursuivre ses objectifs), il avait déjà des éléments de désocialisation qui m’inquiétèrent : je lui conseillai d’envisager un arrêt de travail, qu’il sollicita de son médecin. Après deux semaines de repos, il vint me voir avant sa reprise. Il exprima les difficultés avec sa supérieure hiérarchique, qui pendant qu’il était en arrêt maladie avait encore empiété sur son champ d’action par des interventions dites de « micromanagement » décrites par M. Emmanuel comme non respectueuses de son équipe, maladroites, et qui témoignaient du peu de cas qu’elle faisait de lui et de ses ressentis. Ce manque de respect à son égard suscitait chez M. Emmanuel des émotions difficiles à traverser, et des inquiétudes sur ce qui allait se passer à son retour au travail quelques jours après la consultation. Il parlait d’aller au combat... Je lui proposai alors de considérer que sa supérieure se comportait comme un robot dont il ne pouvait attendre respect ni humanité, et de s’armer à faire ce qu’il voulait accomplir mais sans attendre respect ni reconnaissance de sa supérieure. Pour cela, j’utilisai deux métaphores et un exercice d’hypnose.
LES DEUX MÉTAPHORES
M. Emmanuel…
Pour lire la suite...
Dr Michel RUEL Médecin des Hôpitaux, ancien chef de service de Médecine interne, s’est consacré à la formation à l’hypnose de professionnels de santé en fondant l’ODPC 7097, pour les soignants hospitaliers et les professionnels de ville (https://seformerhypnose.fr). Vice-président de l’AFHYP, il a publié Se soigner avec l’hypnose et l’autohypnose (Leduc.s Editions, 2017).
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies Brèves 74 N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024
La puissance thérapeutique de la relation humaine
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :
Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.
. Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.
. Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.
. Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.
. Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par, Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.
. Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».
. Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .
A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.
. Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).
Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».
. Livres en bouche du mois.
Pour prendre en charge nos patients, il faut comprendre les mécanismes intimes de cette souffrance. Le premier phénomène est l’emprise sur le psychisme et l’imaginaire des employés, à travers l’adhésion à une logique d’organisation et l’intégration d’une culture d’entreprise, système de valeurs et d’objectifs, et spécialement celui d’excellence. La quête inlassable de l’excellence rencontre le désir de l’individu de se dépasser, se réaliser dans sa carrière professionnelle, gagner des récompenses narcissiques et financières dans une société où la réussite financière est devenue le critère de réussite de la vie et où l’individualisme a pris le pas sur les anciennes solidarités et identités de classe. Dans le cadre de cette emprise, les affects vont être vécus sans prise de recul, l’anxiété sera moins celle d’une sanction que celle d’une insuffisance personnelle vécue avec culpabilité et un doute sur ses compétences, sentiment douloureux de l’échec personnel (même si les sanctions directes demeurent toujours importantes dans certains secteurs : centres téléphoniques, par exemple). D’autres éléments de souffrance sont la solitude de l’individu et la perte de sens de son travail. Le management s’emploie à mettre les salariés en concurrence en assignant des objectifs individualisés et irréalisables.
L’« évaluation individuelle des performances » se fait à l’aide d’instruments informatiques, d’indicateurs chiffrés qui évaluent des quantités sans référence à la qualité ni aux difficultés du travail. Surtout, la notion de travail d’équipe disparaît, chaque employé est mis en concurrence avec les autres. La rivalité remplace la solidarité et laisse l’employé seul face à des objectifs irréalisables, des indicateurs dont il ne comprend pas toujours le sens. Ce processus l’amène à douter de sa compétence. Il est même amené à douter de son identité, lorsque les contraintes organisationnelles ne lui permettent plus un travail de qualité, un travail bien fait qui soit reconnu par l’employeur et par ce qu’étaient autrefois les équipes, les collectifs de travail. Travailler doit avoir un sens, aimer le beau travail bien fait est une aspiration universelle.
L’abandon de la référence au travail bien fait – qui nécessite du temps – a conduit à créer la norme de la « qualité totale », mesurée par des indicateurs quantitatifs sans rapport avec la qualité réelle du produit entier. Ainsi Maxime Bellego relève-t-il : « Si la mesure du travail est trop éloignée du travail réel, il y a rupture idéologique et groupale entre celui qui mesure et celui qui fait, mais en plus la mesure vient empêcher le travail de s’effectuer correctement puisque c’est l’activité qui va s’adapter à la mesure et non l’inverse » (3). La perte de sens est maximale quand s’ajoutent les tricheries : falsifications comptables ou statistiques, mensonges sur la qualité, fraudes, aboutissant à une trahison de l’éthique professionnelle, une trahison de soi (2), source de malaise, de dépression. Les managers eux-mêmes peuvent souffrir de cette organisation, par exemple si on leur demande de choisir les employés à licencier pour répondre aux attentes des actionnaires. Sur le site Souffrance et travail (4), la psychologue Marie Pezé propose un test de « propagation du burn out » : clinique de la progression de la souffrance professionnelle jusqu’au suicide ou à des états dépressifs graves.
Ce test est très utile pour prendre la mesure de l’épuisement professionnel : éviter sa sous-estimation chez le patient, et nous faire mesurer la nécessité ou l’urgence d’un arrêt de travail si le risque est grand d’un dommage irréversible. Notre posture de « non-savoir » nécessaire à la pratique de l’hypnose, avec son accueil inconditionnel de ce qu’apporte le patient, se confronte ici à une obligation morale de secours à personne en danger, et donc savoir reconnaître le danger d’une exposition professionnelle dont le patient est incapable de se libérer seul. Aux premiers stades de cette souffrance, le patient est en état de consulter et de travailler avec l’hypnose (le texte résumé en italique est de Marie Pezé).
1. « Au début c’est la surchauffe. Les contraintes, le manque de moyens, de temps sont à la source d’inquiétude quant au travail qui n’est pas terminé et s’accumule alors que l’encadrement signifie : “vous devriez mieux vous organiser”. Vous avez l’impression de ne pas être à la hauteur de ce qu’on attend de vous. Vous vous dites que c’est vous qui n’en faites pas assez, ou pas assez bien. Vous commencez à vous sentir coupable de ne pas y arriver. Vous travaillez chez vous le soir, les week-ends. Mais même avec tous ces efforts, vous n’arrivez plus à vous mettre à jour. »
2. « Après six mois de stress. Votre capacité d’attention et de concentration est saturée, vous n’imprimez plus tout ce que vous devez retenir. Il vous faut plus de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux. Vous avez la vue qui se trouble. Vous commencez à avoir mal de-ci de-là, puis bientôt vous avez mal partout. Tout commence à vous agacer, le manager qui vous demande de faire des choses en plus, vos collègues qui ne vont pas assez vite et qui bloquent votre travail. Vous avez du mal à trouver le sommeil. »
3. « L’engrenage. C’est l’étape décisive qui fait passer le salarié au fonctionnement compulsif dont il faudra bien que quelqu’un de son entourage l’extraie : vous vous réveillez en pleine nuit et vous êtes assailli par tout ce que vous n’avez pas fait, tout ce que vous avez encore à faire. Vous ruminez et vous n’arrivez plus à vous rendormir. Vous n’arrivez pas à lutter contre le TTU (“Très Très Urgent”), le toujours tout de suite, l’ASAP (“As Soon As Possible”). Vous travaillez de manière compulsive. Vous êtes captif du numérique, vous regardez tout en ligne. Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour… Vous êtes pris dans un engrenage : vous êtes fatigué, donc moins performant. Vous faites des erreurs, vous vous trompez de mots. » Au fur et à mesure de la progression vers les six stades suivants, de la désocialisation jusqu’à l’effondrement (à lire sur le site) (4), l’arrêt de travail devient une nécessité de plus en plus urgente.
COMMENT UTILISER L’HYPNOSE ? VOICI QUELQUES EXEMPLES...
1. Le sujet se sent coupable de ne pas y arriver. Proposer un recadrage pour diminuer la culpabilité, par exemple : « Est-ce vraiment vous qui êtes devenu insuffisant ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt la restriction de personnel, le changement de méthodes managériales ? Est-il vraiment impossible de vous accorder le droit de respecter certaines limites (limiter vos horaires, faire des pauses) ? » Permettre au sujet de retrouver une image favorable de lui. Pour cela, faire revivre en hypnose un succès passé pour récupérer une image favorable de soi. Faire ressortir l’importance de « la pression » dans les comportements de maltraitance, celle de l’encadrement et celle que les employés s’infligent : ils pensent que ce rythme de travail est indispensable pour le travail de leurs collègues ou pour la survie de leur entreprise, ils ont intégré la lutte pour atteindre les objectifs fixés comme une nécessaire fidélité à leur engagement ou comme inévitable pour ne pas être licenciés. « Cette pression interne, comment parlet- elle avec vous, avec quelle voix ? » Quel est le moteur de cette fuite en avant ? D’autres se sentent impuissants à arrêter ce flot de tâches qui s’accumule et grossit de jour en jour.
Reformuler : « Là, maintenant vous vous sentez actuellement impuissant » (quoi faire seul sans soutien ? les anciennes solidarités ont été brisées). Pour faire faire un « pas de côté » au patient, nous l’invitons à prendre du recul, à se mettre en retrait. Qu’il devienne un tiers observateur de lui-même et de la situation afin de pouvoir changer de point de vue. Lâcher prise et faire un pas de côté lui permettront peut-être de se détacher, de se décoller de cette emprise combinée de l’entreprise et de sa propre exigence idéale de réussite dans sa course folle à l’impossible. 2. Le sujet manque de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux : il a du mal à trouver le sommeil, il est plus irritable, impatient. Recadrer : l’irritabilité, l’impatience résultent de cette fatigue, ce stress de six mois qui a épuisé les batteries. L’écoute du patient nous amène à définir avec lui le but à atteindre avec l’hypnose. Puis on pourra faire venir sur la chaise devant le patient son chef N+1, sur une autre le PDG de la boîte, un collègue, le conjoint ou l’enfant du/de la patient(e), afin de décentrer le patient, le faire sortir de son regard autocentré culpabilisateur. Ailleurs, on peut emmener en transe le patient sur son lieu de travail et lui faire vivre une confrontation, avec ses collègues et son N+1, en l’accompagnant, en le questionnant sur ce qu’il ressent, ce qu’il va faire, avec le retrait possible et répété sur un lieu sûr, comme on fait des confrontations à un objet phobogène. De nombreuses interventions sont possibles, certaines minimalistes (« ne rien faire » de Gaston Brosseau, ou « les mains de Rossi » où on se contente de notre présence dense pour accompagner le patient dans sa quête d’un pas de côté), d’autres qui utilisent l’externalisation, comme en Thérapie du lien et des mondes relationnels.
L’important est d’être à l’écoute du ressenti du patient et de son propre ressenti de thérapeute et de bien appréhender combien il est difficile de se sortir de ces situations en sachant que souvent la seule solution est l’arrêt de travail. « Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour, vous faites des erreurs... » Comment intervenir ? Proposer un arrêt de travail et travailler de façon rapprochée pour réparer les dégâts et permettre le repos... Si la souffrance a davantage usé le patient, le danger de dépression et de suicide est grand et l’arrêt de travail prolongé est la condition de la survie, l’hypnose accompagnera cette mesure indispensable. Marie Pezé décrit les stades suivants qui amènent au burn out : celui de la désocialisation, celui des signaux somatiques forts, celui de l’isolement, du recours aux expédients (drogues, médicaments), puis de la désillusion qui précède l’effondrement. Il est important d’identifier ces signes (5). Que faire quand la situation est grave ? Travailler sur des objectifs minimalistes : dormir, retrouver un intérêt pour quelques sensations agréables... La transe hypnotique permet de chercher ces sensations, en revivant de beaux moments structurants de sa vie (le jour où elle accouche, le diplôme qu’il obtient, etc.). On pourra aussi aider à se protéger dans une bulle virtuelle qui soit flexible, ou bien externaliser l’irritation, la colère, la honte.
UNE ILLUSTRATION CLINIQUE AVEC LES MAINS DE ROSSI
Mon patient, qu’on appellera « M. Emmanuel », est un cadre important d’une entreprise, je l’ai vu plusieurs fois. Lors d’une précédente consultation, je lui ai conseillé de réaliser le test de Marie Pezé. Fatigué, captif du numérique, culpabilisé de ne pas être à jour (sa fatigue réduisait son efficacité intellectuelle mais il continuait à s’acharner à poursuivre ses objectifs), il avait déjà des éléments de désocialisation qui m’inquiétèrent : je lui conseillai d’envisager un arrêt de travail, qu’il sollicita de son médecin. Après deux semaines de repos, il vint me voir avant sa reprise. Il exprima les difficultés avec sa supérieure hiérarchique, qui pendant qu’il était en arrêt maladie avait encore empiété sur son champ d’action par des interventions dites de « micromanagement » décrites par M. Emmanuel comme non respectueuses de son équipe, maladroites, et qui témoignaient du peu de cas qu’elle faisait de lui et de ses ressentis. Ce manque de respect à son égard suscitait chez M. Emmanuel des émotions difficiles à traverser, et des inquiétudes sur ce qui allait se passer à son retour au travail quelques jours après la consultation. Il parlait d’aller au combat... Je lui proposai alors de considérer que sa supérieure se comportait comme un robot dont il ne pouvait attendre respect ni humanité, et de s’armer à faire ce qu’il voulait accomplir mais sans attendre respect ni reconnaissance de sa supérieure. Pour cela, j’utilisai deux métaphores et un exercice d’hypnose.
LES DEUX MÉTAPHORES
M. Emmanuel…
Pour lire la suite...
Dr Michel RUEL Médecin des Hôpitaux, ancien chef de service de Médecine interne, s’est consacré à la formation à l’hypnose de professionnels de santé en fondant l’ODPC 7097, pour les soignants hospitaliers et les professionnels de ville (https://seformerhypnose.fr). Vice-président de l’AFHYP, il a publié Se soigner avec l’hypnose et l’autohypnose (Leduc.s Editions, 2017).
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies Brèves 74 N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024
La puissance thérapeutique de la relation humaine
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :
Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.
. Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.
. Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.
. Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.
. Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par, Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.
. Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».
. Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .
A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.
. Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).
Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».
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Catégories: Hypnose Ericksonienne Thérapie Brève